1. Les débuts (2015 – 2016)

Un projet “pour les 20 prochaines années”

La Plateforme Ry-Ponet est née en février 2015 au départ d’une opposition classique à un projet immobilier mais immédiatement accompagnée d’une démarche tout à fait originale et constructive.

Un méga-lotissement fortement contesté

A l’origine de tout, il y a la volonté de la société Neufcour – issue des familles et des sociétés exploitant jadis de nombreux charbonnages dans la région liégeoise – de valoriser les vastes étendues de territoires qu’elle possède en y développant des projets immobiliers.

Si les origines lointaines du projet qui concerne la zone des Haïsses-Piedroux à Chênée remontent au début des années 80, c’est en 2011 que le projet actuel commence vraiment à prendre forme. Il est rendu public lors d’une réunion d’information en juin 2014. Cet énorme projet immobilier de plus de 500 logements suscite immédiatement l’opposition d’une grande partie de la population. Un collectif d’habitants se constitue et prend le nom de « Au NON de Chênée ». Lors de ce qu’on peut considérer comme une première phase d’enquête publique, des centaines de personnes marquent déjà leur opposition au projet en rédigeant des demandes et des observations sur les points à aborder dans l’étude d’incidences.

Avant-projet de la société financière Neufcour SA sur le site agricole des Haïsses-Piedroux.

C’est donc un début très « classique » pour une lutte de ce type. La suite est un peu moins classique. À l’automne 2014, l’asbl liégeoise urbAgora (qui développe une vision critique de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire sur la région liégeoise) publie une étude très documentée. Celle-ci critique de manière détaillée le projet Neufcour, formule une proposition alternative en matière de développement du logement (sur la friche de l’ancien site industriel de Cuivre et Zinc / LBP également situé à Chênée) et avance l’idée de créer un parc métropolitain sur une vaste zone d’espaces verts et de terres agricoles de 300 hectares à cheval sur Chênée, Beyne-Heusay, Romsée et Vaux-sous-Chèvremont (incluant la zone visée par le projet Neufcour).

Feuillet de présentation de l’étude d’urbAgora.
Présentation de l’étude d’urbAgora au Centre Culturel de Chênée le 29/10/2014.

Une démarche originale

Dans la foulée se constitue le 10 février 2015 une coordination (qui prend le nom de Plateforme Ry-Ponet, du nom d’un petit ruisseau qui traverse le site) pour défendre l’essentiel [1] des perspectives proposées par l’étude d’urbAgora. La Plateforme réunit au départ trois associations : l’asbl urbAgora, Au NON de Chênée et Autour des Orchidées (un collectif d’habitants du quartier voisin de Grivegnée, constitué lui aussi en réaction à un projet immobilier disproportionné par rapport au quartier).

L’originalité de la plateforme se situe avant tout dans son programme (le refus du projet immobilier, la construction de logements sur les friches industrielles, la création du parc). En effet, le plus souvent, des collectifs d’habitants réunis au départ autour du refus d’un projet immobilier ou routier en restent là ou n’accouchent de propositions alternatives qu’après un processus assez long et parfois douloureux. Par contre, la Plateforme Ry-Ponet naît « déjà toute habillée » avec un refus fortement étayé du projet immobilier et deux propositions alternatives crédibles. Comme nous le verrons, cette base solide lui permettra de partir dès le départ dans une direction claire, de ne pas s’égarer en chemin et de ne céder ni au découragement dans les moments difficiles ni, au contraire, à un optimisme exagéré suite à des succès partiels.

Cerise sur le gâteau, les douze participants à la réunion de lancement se font aussi immédiatement une idée de ce qui les attend, quand le responsable d’urbAgora déclare, le sourire aux lèvres : « Un projet comme cela, c’est à l’échelle de vingt ans qu’il faut penser sa réalisation ».

La tête, le cœur et les jambes

La Plateforme se met immédiatement au travail. En quelques semaines, un tract de présentation est publié (avec photos et carte du site) [2] et une journée de promenades à la découverte du site du futur parc réunit près de 250 personnes le 31 mai 2015.

Les habitants répondent présents en masse pour la journée de mobilisation sur le site du Ry-Ponet depuis le centre communal des jeunes de Chênée (CCJC).
Quelques minutes avant la balade découverte.
Impressions au retour de la balade.

Le ciel n’est quand même pas uniformément bleu. Il apparaît très vite que, du côté politique, le projet de lotissement semble jouir d’un vrai soutien au sein du pouvoir communal liégeois et que, par contre, la proposition de parc n’y suscite pas de véritable intérêt. Il est clair aussi que notre groupe initial d’une douzaine de personnes est beaucoup trop faible pour pouvoir renverser la donne.

Nous n’avons donc d’autre possibilité que de développer une mobilisation au sein de la population et de construire sur cette base un rapport de forces plus favorable à nos propositions. Mais comment faire ?

Notre réponse sera : en s’adressant à la fois « à la tête, au cœur et aux jambes » de ceux que nous rencontrons ! Autrement dit, en combinant une approche « intellectuelle critique » (par la production d’analyses, la diffusion régulière de  tracts d’information, la tenue de stands lors d’activités diverses, l’organisation de séances d’information, …) avec une approche « d’appropriation sensible » (par la découverte du site, de ses paysages et de ses points d’intérêt au travers de promenades guidées qui permettent de susciter une adhésion personnelle et émotionnelle au projet de parc).

Dans l’attente (active) du choc

Commence alors une longue période où nous tentons d’accumuler des forces au sein de la Plateforme, dans un contexte extérieur assez insaisissable pour nous puisque, à plusieurs reprises, des « sources généralement bien informées de la vie locale » nous annoncent le dépôt imminent du projet immobilier au service de l’urbanisme de la Ville de Liège et l’ouverture de l’enquête publique,… perspective à chaque fois infirmée.

L’utilisation d’une pétition en faveur du projet de parc nous permet de récolter plus de 1.500 signatures et de constituer peu à peu un réseau de soutien à notre projet. La Plateforme est ainsi rejointe peu à peu par un nombre grandissant d’habitants de Chênée et des environs. Dès lors, le cadre initial de coopération entre trois associations devient trop étroit. Un débat interne sanctionne cette nouvelle réalité. En novembre 2016, la Plateforme cesse d’être une coordination de groupes et se transforme en une association citoyenne reposant sur des engagements et des adhésions personnelles. Ce changement permet, au fil des mois, de mieux intégrer toutes les personnes ayant rejoint la Plateforme, ce qui se révélera décisif par la suite.

Et, un soir de début mai 2017, l’information tombe : la société Neufcour a déposé une demande de permis d’urbanisation pour son projet de lotissement au service de l’Urbanisme de Liège et l’enquête publique est annoncée du 29 mai au 27 juin.

L’enquête publique est lancée pendant un mois.

[1] Si dans ses grandes lignes (et de nombreux détails), l’étude d’urbAgora soulève l’adhésion générale, l’idée d’accepter l’urbanisation d’une portion du site appartenant à la société Neufcour (dite des Haïsses) ainsi que de la vaste prairie appartenant à la société Le Logis Social dans le haut de la rue Gaillarmont se heurte à l’opposition des deux collectifs d’habitants. D’autre part, la partie de l’étude consacrée à des propositions visant à redynamiser le centre de Chênée n’est pas intégrée dans les objectifs de la Plateforme Ry-Ponet.

[2] Ce tract, téléchargeable via ce lien, qui présente de manière très attractive le projet de parc, suscitera beaucoup de réactions favorables… et quelques réactions très défavorables. En effet, malgré les heures de travail, la carte du parc qui y figure n’est encore qu’une première approximation. Plusieurs sentiers ont été tracés de manière indicative… et certaines portions de ceux-ci traversent des propriétés privées, ce qui provoque la colère de quelques habitants concernés. Nous essaierons par la suite de tirer efficacement les leçons de cet épisode, en asseyant toutes les démarches de popularisation de notre projet sur une rigueur de recherche et d’analyse de plus en plus poussée.


SUIVANT

2. L’enquête publique (2017)” →


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