Ferme Sainte-Anne

Une ferme au cœur du Ry-Ponet

Située en plein cœur du Parc du Ry-Ponet, visible à des kilomètres à la ronde, la ferme Sainte-Anne  a connu une longue existence avant de s‘éteindre peu à peu. Suivez-nous à la découverte de sa lointaine histoire, de ce que fut la réalité d’une exploitation familiale dans le deuxième moitié du 20e siècle et de ce que pourrait être sa renaissance dans les prochaines années.

La ferme comme dépendance du domaine du château de Neufcour

Cette ferme qui porte aujourd’hui le nom de Sainte-Anne s’appelait jadis la ferme de Bouharmont du nom de la colline sur laquelle elle se trouve.

L’existence d’une ferme (une cense) à cet endroit est déjà mentionnée au 14e siècle comme appartenant à Hurkin de Barchon et faisant partie des « Biens et héritages de Beyne et Bouharmont ». La ferme faisait en effet partie du domaine du château de Neufcour. Un sentier reliait d’ailleurs les deux ensembles bâtis.

Extrait de la carte du dépôt de la guerre (1865-1880).

L’origine des noms Bouharmont et Sainte-Anne

Le nom de « Bouharmont » est peut-être familier à certains. Il a en effet donné son nom à une couche géologique (appelée par les spécialistes « un horizon géologique »). C’est ainsi qu’il existe un horizon de Bouxharmont qui, partant de Huy, passe à Seraing, à Liège et dans le Pays de Herve et se retrouve à la fois en Campine, dans le Limbourg hollandais et en Rhénanie-Wesphalie (Allemagne) sous le nom de Finefrau-Nebenbank. Le préfixe «Bouxhar» signifie un lieu planté de buissons.

La dénomination de Sainte-Anne est plus récente et renvoie peut-être plus à la toponymie qu’à la proximité de la chapelle. En effet, dans un acte de vente de bois daté de 1783, donc antérieur à l’érection en 1794 du petit monument à Sainte-Anne d’Auray, on lit qu’« ils ont été prélevés au Bois Sainte-Anne » près de la ferme [1].

Ses occupants successifs au début du 20e siècle

En 1898, la ferme a été exploitée par la famille Scheen-Vanderheyden.

En 1919, l’exploitation de la ferme est reprise par leur fille (une des 8 enfants), Maria Scheen, et son époux Nicolas Hossay (né en 1881).

En 1924, un incendie a ravagé la ferme. Il n’a pu être éteint par manque d’eau car la ferme n’était alors pas raccordée à l’eau. La ferme a ensuite été reconstruite.

L’exploitation par la famille Wuidard

En 1961 survint le décès de Nicolas Hossay, âgé de 80 ans. Sa succession ne souhaitant pas poursuivre l’exploitation, il fallut trouver un nouvel exploitant. Henri Wuidard, fils de fermiers, connaissait bien les lieux qu’il fréquentait déjà à 12 ans quand il était à l’école de Beyne et se rendait avec sa classe dans le bois de Sainte-Anne. La ferme était magnifique à ses yeux. Même avec son jeune âge et son manque d’expérience, il osa se présenter au directeur de la société Wérister, René Dessart, et le convainquit de lui confier l’exploitation de la ferme. Il obtint un bail à ferme de deux fois neuf ans. Henri Wuidard entra à la ferme le 21 octobre 1961 avec son épouse. Ils eurent quatre enfants dont Jean-Luc, membre de notre Plateforme, né à la ferme. Henri exploita la ferme pendant 35 ans, jusqu’à sa pension en 1996.

Le bâtiment

La bâtisse actuelle ne date pas du 15e siècle mais a été reconstruite, dans sa forme actuelle, après l’incendie de 1924. Les nouveaux murs de façade ont été construits à l’extérieur des anciens murs. Elle est donc plus grande qu’à son origine.

Sa superficie au sol d’environ 750 m² forme un « U » autour d’une cour. Le corps de logis est situé au centre à côté de la laiterie, tandis que les ailes étaient occupées par des étables très modernes pour l’époque. La vacherie de 25 mètres de long sur 10 mètres de large permettait de mettre 46 vaches réparties dans 2 couloirs équipés de mangeoires très modernes. Etaient encore présents à la ferme le jeune bétail, quelques porcs (un pour la consommation familiale) et un poulailler au-dessus du hangar. Aux étages des deux ailes latérales se trouvaient de grands fenils.

Un potager était présent à l’arrière du corps de logis, protégé par une haie.

La mare qui se trouve entre la ferme et la rue Sainte-Anne était entourée de saules.

La terre

L’exploitation comprenait la ferme en elle-même ainsi que 25 hectares de terrain et 3 hectares plantés de sapins. Henri Wuidard a planté un peu plus de 2 hectares de maïs dans un terrain qui n’était pas facile à cultiver car très pierreux et donc très vite sec en absence de pluie. Le reste des terrains était utilisé comme pâtures. Il y avait très peu d’arbres en raison des encouragements dans les années 70 à éliminer les hautes tiges pour les remplacer par des basses tiges. En ce point culminant, le vent, la neige, et parfois les orages, amenaient leur lot de difficultés aux exploitants. A ce sujet, Jean-Luc, le fils d’Henri, se rappelle que lors d’un orage, une « boule de feu » était entrée dans l’étable pendant la traite des vaches.

Du lait à la viande

Dès le début, Henri Wuidard a développé une activité de producteur de lait. Il fournissait une laiterie des environs. Vers 1969, il a installé un refroidisseur de 1200 litres de lait, qu’il parvenait à remplir en deux jours. Ce refroidisseur lui permettait de conserver le lait à 5 ou 6 degrés en permanence ; il pouvait ainsi vendre son lait à la laiterie un peu plus cher. La vente de lait restait toutefois compliquée, sans aucune garantie sur la quantité à écouler et sur le prix.

En 1976, suite à des incitants (prime de conversion pendant 3 ans pour réduire la production laitière), Henri Wuidard a abandonné la production de lait pour se consacrer à l’élevage viandeux, ce qu’il a vite regretté car c’était financièrement difficile de ne recevoir l’argent en une seule fois qu’après 7 mois de soins donnés à un animal. Se sont donc succédées à la ferme Sainte-Anne de la Bretonne Pie Noir, du Blanc Bleu et de la Charolaise jusqu’en 1987 où l’épidémie de brucellose bovine a décimé l’élevage et où il a fallu tout recommencer.

Et maintenant… quel avenir lui choisir ?

En 2000, la société Neufcour, issue de la société du charbonnage de Wérister a vendu la propriété à une société anversoise appelée « La Planète Verte ». Cette vente s’accompagnait notamment des terrains à bâtir situés le long de la rue Sainte-Anne et sur le site de « Chat Pirard ».

Depuis 2000, cette société n’a pas réussi à convertir ce site en un ou des projets. Un concierge garde les lieux mais malgré cela, le bâtiment s’est fortement dégradé. La société immobilière a donc choisi de mettre la ferme en vente.

La localisation de la ferme Sainte-Anne en plein cœur du site du Ry-Ponet, en un point culminant, font que ce bâtiment qui s’aperçoit aussi bien depuis le site de la clinique Notre-Dame des Bruyères (CHU) que du sommet de la colline de Streupas sur le versant de l’Ourthe ou encore de la gare des Guillemins, a une haute valeur symbolique et paysagère mais également un potentiel important.

Depuis 2018, la Plateforme Ry-Ponet a étudié la possibilité de créer une coopérative pour acquérir la ferme. Son but est d’y installer un point d’accueil pour les promeneurs mettant en valeur le parc (faune, flore, sentiers, endroits remarquables, paysages,…), d’y développer une activité de maraîchage biologique en circuit court et à terme d’y animer une ferme pédagogique et des classes vertes. Pour en savoir plus sur notre projet de coopérative, c’est par ici.

Cependant, en septembre 2019, la société Scheen-Lecoq, un promoteur immobilier de Malmedy, a conclu un contrat avec la société « La Planète Verte ». Elle prévoit de construire deux lotissements sur les terrains de la rue Sainte-Anne et de Chat-Pirard (avec 230 logements) et de rénover la ferme en s’inspirant de notre projet mais en l’inscrivant dans une logique plus commerciale. Ce projet n’en est encore qu’au stade de l’esquisse mais il est déjà clair qu’il ne suscite pas l’enthousiasme dans la population.

Si notre projet pour la ferme est donc pour le moment en suspens, nous ne l’abandonnons absolument pas car nous continuons à penser qu’il est le seul qui puisse donner à la ferme Sainte-Anne un avenir qui prolonge son passé sans le dénaturer.


[1] Jean LEJEUNE, Jean HOYOUX, Ed RENARD, Toponymie de la commune de Beyne-Heusay, Annuaire d’histoire liégeoise, 1956, n°24, tome V, fascicule 4, pages 803 à 808 repris par P. GUERIN dans « Le Domaine de Neufcour à Beyne-Heusay ».


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