3. Vers le parc (2017-2018)

Stop ou encore ? Encore, bien sûr !

Le 5 septembre 2017, la société Neufcour crée la surprise en annonçant qu’elle retire sa demande de permis pour son projet. Ce retrait est une victoire incontestable, résultat de la très forte mobilisation de la population. Il signe aussi un revers pour une société qui travaillait sur ce projet depuis 12 ans et ne s’attendait certainement pas à une telle levée de boucliers.

Action artistique menée sur le site du Ry-Ponet pendant l’enquête publique (c) Lidjeu

Mais la menace reste suspendue au-dessus des têtes puisque, dès le lendemain de l’annonce du retrait, la société Neufcour annonce qu’elle compte représenter son projet dès 2019, « sans modification fondamentale concernant le logement et les voiries » mais en essayant de verdir son image.

Un nouvel enjeu 

Pour certains des opposants à ce projet immobilier en dehors de la Plateforme, le seul point qui compte est que Neufcour ait retiré sa demande de permis. C’est à leurs yeux une victoire complète qui justifie l’arrêt de toute activité tant que Neufcour ne revient pas.

A nos yeux, la situation apparaît bien plus complexe. Tout d’abord, nous avons remporté une victoire qui est très importante mais qui reste partielle et provisoire. Ensuite, ce succès nous donne raison aux yeux de la population mais, vu le retrait du projet immobilier, il risque de conduire à une certaine démobilisation, y compris dans la couche large qui nous a soutenu activement en situation d’urgence. Et enfin, le fait que Neufcour ait retiré son projet évite au Collège communal de Liège de devoir prendre position sur le lotissement – et accessoirement sur l’alternative que nous proposons, à savoir la création du parc du Ry-Ponet.

L’assemblée générale de la Plateforme fin septembre valide à l’unanimité cette analyse : Neufcour provisoirement hors-jeu, il ne faut pas baisser les bras ; au contraire, il faut développer une campagne en faveur de la création du parc – à la fois parce que c’est en soi un excellent projet mais aussi parce que la reconnaissance du parc serait le meilleur moyen d’empêcher Neufcour d’y revenir avec son méga-lotissement. Nous appelons donc à un nouveau rassemblement à l’occasion du Conseil communal et diffusons un appel en faveur du parc, qui suscite une réaction positive du Bourgmestre.

2 Octobre 2017 – Présence devant le conseil communal de la Ville de Liège.

De bonnes résolutions pour le Parc

Nous ne sommes pas les seuls à penser cela. Trois conseillers communaux – François Schreuer (VEGA, Liège), Serge Francotte (cdH, Beyne-Heusay) et Lionel Thelen (Ecolo, Chaudfontaine) – décident, à l’initiative du premier, de soumettre au vote de leurs Conseils communaux respectifs une résolution intitulée « Pour la reconnaissance du parc de Ry-Ponet ».

Conférence de presse pour présenter la motion : de gauche à droite, François Schreuer (VEGA, Liège), Fabrice Drèze (MR, Liège), Lionel Thelen (Ecolo, Chaudfontaine), Jean Peltier (Plateforme Ry-Ponet), Serge Francotte (CDH, Beyne-Heusay) et Olivier Baltus  (VEGA, Trooz). Source : Maison de la presse et de la communication Liège.

Cette résolution est votée à l’unanimité sous une forme légèrement amendée à Chaudfontaine et plus fortement remaniée à Liège. A Beyne-Heusay, par contre, elle se heurte à l’opposition de la majorité et est remplacée par une déclaration d’engagement à protéger les espaces verts de la commune, sans référence au parc et à toute démarche supracommunale.

Ces résolutions, telles qu’elles ont été votées à Chaudfontaine et Liège, « reconnaissent la valeur, notamment paysagère, du site dans son ensemble » et « souhaitent que soit mené un travail commun entre les communes concernées en vue d’établir un périmètre protégé de toute urbanisation nouvelle ». Elles lient aussi la question du parc à une série d’objectifs : développement de la biodiversité, promotion des filières d’alimentation locale et des circuits courts, création de lieux de détente en milieu semi-naturel,….

Le vote de ces résolutions représente à nos yeux un nouveau succès et surtout un succès très significatif sur un nouveau terrain. Pour la première fois, des autorités communales ont été amenées à se prononcer publiquement en faveur d’un projet de parc du Ry-Ponet. Même si de nombreuses ambiguïtés subsistent volontairement dans des formulations discutées et pesées à la lettre près, il s’agit d’un grand pas en avant.

Nous entrons donc dans une nouvelle phase, dont l’enjeu est d’arriver à combiner la « mobilisation par l’action et par en bas » qui a été notre mode d’action quasi-exclusif jusqu’ici avec une « action des pouvoirs publics par en haut ».

Contacts, échanges et solidarité

Pendant les mois qui suivent, nous nous attachons activement à développer contacts, échanges et solidarité avec d’autres associations.

Sur Liège, notre succès fait de nous un nouveau point de référence pour les collectifs naissants ou existants. Ainsi, en novembre, nous aidons le groupe Un Air de Chartreuse à organiser une campagne efficace lors de l’enquête publique contre le projet immobilier de la société Matexi.

Cette volonté de collaboration, nous l’avons depuis longtemps. Nous participons depuis novembre 2016 à une initiative lancée par le centre culturel Barricade sous le label « Occuper le terrain » (un nom appelé à un bel avenir…). Les diverses rencontres entre collectifs d’habitants de la région liégeoise permettent l’échange d’expériences à partir de situations parfois très différentes.

“Occuper le Terrain, espaces verts en péril et mobilisations citoyennes”, organisé dans les locaux de l’asbl Barricade le 28/11/2016.

Nous sortons aussi de la région liégeoise. En juillet 2017, nous recevons le soutien officiel d’Inter-Environnement Wallonie. En septembre, nous participons à une rencontre à Namur contre « l’artificialisation des terres », organisée à l’initiative d’Inter-Environnement Wallonie, et, en octobre, à Bruxelles, aux « 8 heures de résistance aux Grands Projets Nuisibles et Imposés » à l’initiative des objecteurs de croissance. Nous faisons partie du petit noyau qui cherche à donner un prolongement commun à ces deux initiatives, ce qui débouche le 14 avril 2018 sur la création au niveau wallon d’un réseau solidaire entre de nombreux collectifs et associations, qui prend comme nom… Occupons le Terrain. Cette naissance est marquée à Liège par une journée de réflexion et d’action intitulée « Liège autrement », organisée par les collectifs locaux, dont évidemment la Plateforme Ry-Ponet.

Journée « Liège autrement » du 14 avril 2018 : une conférence-débat le matin.
Journée « Liège autrement » du 14 avril 2018 : une action de solidarité avec les opposants à la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame des Landes.
Journée « Liège autrement » du 14 avril 2018 : une découverte du Ry-Ponet l’après-midi.


Le Ry-Ponet à l’Université

Durant cette période, nous nous attachons aussi à développer les contacts amorcés à l’occasion de l’enquête publique avec une série de professeurs de la Faculté d’Architecture de l’Université de Liège. Cela débouche sur des échanges d’idées particulièrement enrichissants pour nous. Et c’est aussi le début de toute une série de travaux d’étudiants consacrés au site du Ry-Ponet. Certains sont présentés en septembre 2018 dans une belle exposition.

Nous sommes également invités en novembre 2017 à participer en tant qu’intervenant au colloque « La Fabrique des Métropoles » organisé conjointement par l’Université de Liège et urbAgora et consacré au thème de la supracommunalité et aux possibles avenirs métropolitains de Liège.


Nous y présentons l’expérience de la Plateforme en tant qu’illustration de l’émergence d’une dynamique supracommunale à partir d’une action citoyenne. Notre intervention semble intéresser une large partie du public, composé essentiellement de professionnels. Elle provoque, par contre, des commentaires particulièrement agressifs de la part d’une personne présente dans la salle… la représentante du bureau Pluris qui a réalisé le projet immobilier pour le compte de la société Neufcour.

Un passager clandestin démasqué

Cela nous ramène au niveau politique liégeois et wallon. Une réflexion intense s’y mène depuis quelques années sur l’avenir de l’aménagement du territoire et les nouvelles contraintes, en particulier environnementales, qui pèsent sur lui.

Les derniers mois de 2017 voient se concrétiser des démarches visant à définir des perspectives et des lignes d’action à long terme pour les pouvoirs publics au niveau wallon – Code de Développement du Territoire (CoDT), Schéma de Développement Territorial (SDT) – et liégeois – Schéma de développement de l’Arrondissement de Liège (SDALg). Ces documents marquent notamment une volonté de mettre fin à l’étalement urbain, de densifier le logement dans les centres urbains et les quartiers de gare, de réaffecter les friches industrielles, de développer la mobilité douce et l’agriculture biologique, de préserver les paysages, …

Illustration extraite du rapport final du SDALg (p. 67).

Même si ces documents ne sont pas parfaits, ils marquent une inflexion plus que bienvenue. Ils nous offrent aussi de nombreux points d’appui pour critiquer le projet immobilier de Neufcour (afin de le rendre définitivement impossible) et pour promouvoir notre projet de parc. Nous nous plongeons donc dans leur étude approfondie pour affuter nos arguments.

Ce qui nous permet de découvrir que ces documents peuvent aussi cacher des horreurs. C’est le cas du SDALg qui inclut dans ses perspectives de développement du logement la construction du méga-lotissement de Neufcour. Nous lançons donc une campagne en direction des membres des Conseils et Collèges des 24 communes de l’arrondissement de Liège pour leur demander de se démarquer du projet Neufcour lors des débats et votes sur le SDALg dans leur commune.

Illustration extraite du rapport final du SDALg (p. 115).

Liège est évidemment l’enjeu principal de cette campagne et une des dernières communes à prendre position. Nous sommes, une nouvelle fois, nombreux à être présents à l’occasion du Conseil communal qui débat du SDALg en avril 2018. Cette mobilisation porte ses fruits. Les porte-paroles de plusieurs groupes (surtout Ecolo, Vega et le PTB) relaient nos critiques. Le bourgmestre insiste sur le fait que le vote du SDALg ne signifie pas qu’on va construire le projet Haïsses-Piedroux et, en revenant sur la motion en faveur du parc du Ry-Ponet votée par ce même conseil communal en octobre 2017, réaffirme que la démarche votée ce jour-là reste la ligne directrice pour les autorités communales.

Avancer pour mieux sauter

Ce débat communal d’avril 2018 marque un tournant pour nous. D’une part, il confirme que le parc du Ry-Ponet est devenu en moins d’un an une référence incontournable qui jouit désormais d’un soutien général dans le monde politique liégeois. Mais ce magnifique succès doit être tempéré. D’une part, aucun pas n’a encore été franchi dans la voie d’une concrétisation de ces belles intentions et, d’autre part, le parc n’ayant pas de superficie et de limites précises et admises, chacun peut y mettre – ou surtout en retirer – tout ce qu’il veut.

Il est temps pour nous d’agir pour surmonter ces deux obstacles. Et, une fois de plus, le calendrier vient à notre secours. Car dans six mois, ce sont les élections communales.


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