Central Téléphonique Fortifié n° 9 de la rue Neufcour

Allo, Allo, CTF9 appelle Central. Répondez Central …

En passant rue Neufcour, notre regard est bien naturellement attiré par le très beau château de Neufcour. Rien d’autre en vue, n’est-ce pas ?

Et bien si ! En poursuivant votre chemin en direction de Liège, sur votre gauche, camouflé par une végétation qui s’est développée au fil du temps et qui comporte une vieille aubépine et une superbe haie de houx, vous découvrirez une construction atypique, le CTF9.

Le CTF9 est désormais caché en bordure de la rue Neufcour.

Un nom qui fait étrangement penser au PP9B que nous avons découvert aux Piedroux. Pourtant, cela ne fait aucun doute : la localisation de cette construction militaire n’a rien à voir avec celle du Poste Permanent n° 9B des Piedroux. Pourquoi cela ? A quoi pouvait bien servir CTF9 ? Pourquoi est-il présent à cet endroit ?

L’expérience de la Grande Guerre

Durant les combats d’août 1914, la fragilité des liaisons téléphoniques a causé d’importants problèmes. La radio n’était pas encore utilisée à des fins militaires et, dès que les lignes aériennes ont été endommagées par les bombardements, la communication entre forts n’a plus été possible que par courriers, pigeons ou signaux optiques.

En 1927, la Commission d’études du Système des Fortifications du Pays a décidé qu’il était indispensable de créer un réseau téléphonique enterré. Les travaux ont débuté en 1934 et étaient toujours en cours à l’aube du 10 mai 1940.

Conception du réseau téléphonique enterré

Ce réseau téléphonique était comme une grande toile d’araignée dont les fils sillonnaient sur une longueur totale de 300 km toute la Position Fortifiée de Liège (PFL) avec une ligne principale reliant l’ancien Fort des Hollandais de la Chartreuse (départ général du réseau de la rive droite) au central de la Citadelle (central principal de la rive gauche). Etaient bien entendu reliés à ce réseau tous les forts, les observatoires bétonnés, les abris contre irruption (IR) ainsi que les postes permanents (PP).

Les câbles téléphoniques étaient enterrés à environ deux mètres de profondeur et descendaient jusqu’à six mètres sous terre à proximité des forts où de potentiels bombardements risquaient d’endommager ces liaisons. Pour passer la Meuse, l’Ourthe ou la Vesdre, c’est carrément sous le lit du fleuve qu’ont été enterrés les câbles.

Pour que ce réseau soit efficace, il a fallu construire 34 centraux et 200 chambres de visite.

Les chambres de visite ont été créées de manière à ressembler de l’extérieur à de vulgaires chambres de visite du réseau d’égouttage, souvent reconnaissables grâce aux plaques en fonte « Elkington » les refermant, mais parfois camouflées dans de fausses chapelles. Situées à cheval sur une ligne téléphonique, elles permettaient aux troupes de l’armée de campagne de se connecter au réseau téléphonique militaire grâce à leur téléphone portatif de campagne.

Coupe d’une chambre de connexion. Extrait de l’article de Franck Vernier.

Les centraux téléphoniques fortifiés (CTF) étaient quant à eux de véritables constructions d’environ 5 mètres sur 5 mètres, implantées aux intersections des lignes téléphoniques et situées dans un site clôturé.

Elles possédaient une entrée et une sortie de secours (un mur de briques que les soldats devaient démolir en cas d’urgence).

Plan type d’un CTF (1. clôture, 2. sas ; 3. sortie de secours, 4. chambres avec têtes de câbles). Extrait de l’article de Franck Vernier.

Les murs étaient également percés de goulottes de ventilation et de lance-grenades.

Côté intérieur, scellés dans les murs, des « têtes de câbles » qui étaient des sortes de boîtes métalliques dans lesquelles arrivaient les câbles téléphoniques en provenance de la dalle de sol. Les câbles pouvaient alors être connectés entre eux en fonction des besoins via un central apporté par les troupes de transmission et déposé sur une tablette en béton. Les CTF pouvaient être occupés par les troupes de transmission. Tout comme les Postes Permanents, les CTF étaient camouflés en maisons, en garages, avec de vrais ou faux parements et de fausses fenêtres.

Certains possédaient une fausse toiture. C’était d’ailleurs le cas pour le CTF9, comme le montre une ancienne photo. La toiture a depuis été incendiée et n’est donc plus visible.

Photo de E. COENEN, extrait du Forum « Le Monde en Guerre ».

Pourquoi cette localisation ?

Pourquoi avoir localisé le CTF 9 à cet emplacement ? Il est probable que le château de Neufcour ait été pressenti comme un potentiel poste de commandement. S’il avait dû être utilisé comme tel, des lignes volantes auraient pu être tirées entre le CTF9 et le poste de commandement.

Cela a-t-il fonctionné ?

D’après les spécialistes, le réseau téléphonique fortifié a bien fonctionné en mai 1940 pendant la campagne des 18 jours (ce qui n’avait pas été prévu par contre était que la résistance de la Belgique ne dure que 18 jours) , et ce grâce à l’extrême ramification du réseau qui a permis le maintien des communications. Cela même si certaines lignes ont été coupées par accident ou à la suite de bombardements de l’armée allemande et même si certaines des chambres de visite ont été découvertes par l’ennemi et des messages erronés envoyés volontairement au fort de Battice.

L’histoire du CTF9 est un peu particulère : « Le 11 mai 40 à 10.30 Hr, (CTF9) était abandonné par les TTR qui avaient omis de faire le bouclage pour le Poste d’observation CP 216 (Wérister). Le fort de Chaudfontaine téléphona au Comd des TTR à la Citadelle qui répondit qu’il ne pouvait pas exposer un motocycliste. Du personnel de Chaudfontaine construisit alors une ligne aérienne en dérivation sur celle de OP 217 (autre observatoire situé au lieu dit “Les Gottes“) ».

Quel avenir pour ce CTF ?

De nombreux CTF ont été détruits. La 2ème ligne (T.2.L.) en comprenait notamment à la Chartreuse, Jupille, Bois-de-Breux, Chênée. Celui de Beyne-Heusay semble un des derniers CTF toujours debout.

Aujourd’hui, la toiture du bâtiment a disparu.

Nous n’avons pas encore eu la chance de pouvoir accéder à l’intérieur du CTF9. Nous ne savons pas si des éléments tels certaines têtes de câbles sont toujours en place.

Toutefois, c’est en souriant que nous remarquons que plusieurs sites importants de ce réseau de communication militaire se situent aujourd’hui sur des lieux qui sont défendus par des collectifs d’habitants et de citoyens, comme Un Air de Chartreuse, l’Association du Rî des Moulins (sur le versant de la Meuse qui va de Jupille à Fléron en passant par Beyne-Heusay) et la Plateforme Ry-Ponet. Et c’est toujours en souriant que nous imaginons comment pourrait être utilisée cette communication « à l’ancienne » entre CTF9, PP9B, PP9A, IR9 et les forts avoisinants pour avertir des manœuvres clandestines et des projets d’offensive des promoteurs immobiliers.

(c) Plateforme Ry-Ponet


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