Poste Permanent n° 9B des Piedroux

*Un fortin nommé PFL3-PP9B

Si vous passez par la rue Piedroux, vous ne pourrez pas manquer de rencontrer PFL3-PP9B. Non, ce n’est pas le cousin de R2D2 et de C3-PO de la Guerre des Etoiles. Et pourtant, il est lui aussi témoin d’un certain génie militaire, mais beaucoup plus local celui-là.

De qui PFL3-PP9B est-il le nom ?

Décodons ce charabia pas à pas.

PFL, c’est facile, ça veut dire « Position Fortifiée de Liège ».

Mais pourquoi 3 ? Se basant sur l’expérience des combats d’août 1914 et vu l’importance stratégique de la région liégeoise, le système fortificatif de la région a été revu en 1927 pour créer une organisation défensive et permanente établie en profondeur de manière à éviter une rupture brusque en un point. C’est ainsi que la Position Fortifiée de Liège a été découpée en 4 secteurs (PFL1 à PFL4) dont la PFL3 – la voici – était chargée de surveiller les axes importants menant à Liège.

Cette PFL3 était elle-même découpée en 3 têtes de ponts dont l’une, formant un arc de cercle, s’étendait de Jupille à Renory, via Chênée et Colonster, en s’appuyant sur la Meuse. Pour composer cette tête de pont, on retrouve le plus souvent des binômes : un abri contre-irruption (IR) associé à un poste permanent (PP).

Illustration extraite de l’article de Franck Vernier

PP, nous y voilà ! Mais que sont ces postes permanents ?

Un poste permanent est, comme son nom l’indique, destiné à être occupé en permanence par une équipe de soldats chargés d’intervenir rapidement en un point du front où l’ennemi aurait brusquement attaqué. Il est donc situé avec une vue importante vers la vallée. Un abri contre-irruption sert quant à lui à « empêcher, par le feu de leurs armes, le passage d’une colonne motorisée ennemie entrant par surprise dans Liège (réédition du 6 août 1914) ».

Un abri contre-irruption, l’IR9, est situé à Chênée rue du Béchuron entre les maisons n°11 et n° 15 et gardait la route de Vaux-sous-Chèvremont à Chênée. En plus d’être résistant aux tirs d’obus, cet abri contenait un canon de 47 mm sur affût de casemate pour agir contre les véhicules et une mitrailleuse à utiliser contre l’infanterie. Cet abri était raccordé au réseau téléphonique militaire enterré.

Sur la photo du haut, on voit les deux baies (une au rez-de-chaussée et une à l’étage) qui sont encore visibles en 2019 (Google StreetView) puis rebouchées comme le montre cette photo de 2020.

Un peu plus en amont de cet abri, on trouve non pas un mais deux postes permanents qui lui étaient associés et qui surveillaient la route de la vallée reliant Verviers à Liège : le PP9A (situé dans la récente rue des Haïsses) et le PP9B (dans le coude de la rue Piedroux).

Illustration extraite de l’article de Franck Vernier permettant la localisation des IR9, PP9A et PP9B.

Cette fois, nous y sommes vraiment ! Le titre honorifique complet de PFL3-PP9B est donc « Poste Permanent 9B du 3e secteur de la Position Fortifiée de Liège ». On comprend pourquoi on préfère l’appeler par son petit nom.

Cliquez sur l’image pour situer le PP9B

A quoi servait PFL3-PP9B ?

Maintenant que nous avons compris son nom, regardons-le d’un peu plus près.

Ce poste permanent est dit léger car il n’est composé que de béton armé d’environ 20 cm d’épaisseur, bien loin de l’épaisseur d’un bunker classique qui avait des murs de 80 à 130 cm. Et « bien que défendant un accès secondaire, mais que l’ennemi aurait pu utiliser pour éviter les abris IR, l’équipe du PP devait pouvoir se déplacer rapidement : en sortant le canon tracté par la chenillette de l’abri, il allait défendre le secteur menacé ».

Il possédait donc toutes les fonctions nécessaires à son but :

  • À une extrémité, la chambre pour le canon de 47 mm ;
  • Au centre la pièce de repos pour l’équipe ;
  • À l’autre extrémité le garage prévu pour la chenillette Utility (le « tracteur » à canon).
Illustration extraite de La Belgique sous les armes 9. La Position Fortifiée de Liège. COENEN E. et VERNIER F.

Tout comme son jumeau PP9A, le PP9B était camouflé à l’aide de peintures réalisées pour lui donner un aspect de bungalow en maçonnerie de briques. On retrouve parfois même sur les PP de fausses corniches, de fausses cheminées etc.

Quel rôle a joué PFL3-PP9B dans la guerre ?

Très honnêtement, nous n’en savons rien. Si des passionnés de l’Histoire militaire et de la 2ème Guerre mondiale ont des informations intéressantes sur le sujet, nous sommes tout à fait intéressés.

On ne peut donc que s’en tenir à une remarque générale. On connaît l’extraordinaire aptitude des généraux à gagner sur le papier les guerres qu’ils ont précédemment perdues sur le terrain. C’est ainsi qu’en 1914, la ceinture de forts autour de Liège, prévue pour tenir un siège d’un mois face à l’armée allemande, avait du capituler au bout de quelques jours parce que ces forts n’étaient pas capables de résister à la puissance de feu de l’artillerie allemande. Pendant l’entre-deux-guerres, l’état-major de l’armée belge a donc renforcé cette ceinture, en reconstruisant la plupart des anciens forts et en en construisant quatre nouveaux… sans tenir compte du développement de l’aviation. En mai 1940, les forts liégeois furent pris après seulement quelques heures de bombardements et le largage de parachutistes.

On peut donc penser qu’après la chute des forts, PFL3-PP9B n’a pas joué un rôle essentiel dans la grande Histoire. Désaffecté après la guerre, la suite de sa vie a été plus pacifique – un promeneur chênéen nous a affirmé qu’il a même servi un moment de vestiaire pour des équipes de foot qui s’entraînaient dans les environs – avant de s’endormir d’un sommeil paisible parfois interrompu par quelques artistes de street art.

Quel avenir pour PFL3-PP9B ?

Ce témoin nous permet de mieux comprendre notre histoire. Malheureusement, son avenir est totalement incertain.

De nombreux Postes Permanents ont été démolis pour de bonnes ou de moins bonnes raisons (par exemple, le PP8A à Fayembois a été démoli récemment, tout comme le PP11 qui était situé à la gare de Chênée et dont on voit d’ailleurs toujours les fondations). Il conviendra donc d’être vigilants et imaginatifs pour le préserver et lui créer un avenir.

La localisation du PFL3-PP9B n’avait de fait pas été choisie au hasard. Depuis celui-ci, on jouit d’un large panorama. En 2004, l’asbl ADESA a d’ailleurs classé cet endroit comme « point de vue remarquable » en le décrivant comme « le seul point de vue panoramique situé dans la commune [de Liège] qui permette de découvrir, sur 360°, les 3 vallées (Ourthe, Vesdre et Meuse) et la Basilique de Chèvremont. ». Ce n’est pas non plus par hasard qu’un promoteur pense que ces terrains accueilleraient bien un projet immobilier fortement contesté et retiré (temporairement ?) depuis septembre 2017 (pour en savoir plus sur les paysages du Parc du Ry-Ponet et sur ses points de vue remarquables, c’est par ici).

 

Cliquez sur l’image pour voir la vue à 360° depuis le PP9B

 

Pour aller plus loin

– COENEN E. et VERNIER F.,  La Belgique sous les armes 9. La Position Fortifiée de Liège. Tome VI. Les abris de la PFL N°3, Editions De Krijger.

VERNIER Franck, Les abris de la Position Fortifiée de Liège en mai 1940 – partie 2, lisibles sur le site internet de l’asbl CLHAM (Centre Liégeois d’Histoire et d’Archéologie Militaire).

La Position Fortifiée de Liège selon Wikipedia.

– La Position Fortifiée de Liège sur le site internet du Tourisme de la Province de Liège.

– Forum Le Monde en Guerre.