Terril de Basse-Ransy Nord

Un des plus petits terrils liégeois mais un Site de Grand Intérêt Biologique

A cheval sur les communes de Liège et de Chaudfontaine, au bord de l’actuelle ligne 38 du RAVeL, ce petit terril d’à peine un demi-hectare est un beau témoin d’archéologie industrielle devenu le refuge d’insectes peu communs et parsemé de plantes métallophytes, présentant un intérêt écologique évident.

L’exploitation par la famille Braconier au début du 19e siècle

Dans les pas de son père, Joseph-Frédéric Braconier (1785-1852), déjà exploitant notamment du charbonnage du Horloz à Tilleur, demande en 1827 la concession d’un peu plus de 209 hectares de terrains sur les communes d’Angleur, Chênée et Vaux-sous-Chèvremont. La concession est accordée par arrêté du 22 janvier 1828, mais limitée à 198 hectares.

En 1858, Joseph Frédéric Braconier laisse l’ensemble de ses concessions à ses trois fils. Ils développent l’entreprise tout en se diversifiant et en gagnant de plus en plus d’influence. Ils participent tous activement à la vie politique nationale ce qui deviendra par ailleurs une sorte de tradition familiale.

Depuis 1872, le charbonnage bénéficie du passage de la voie ferrée, la ligne 38. Celle-ci traverse l’exploitation. On retrouve d’un côté le terril de Basse-Ransy Nord et de l’autre le terril de Basse-Ransy Sud aujourd’hui partiellement aplani.

© Georgy Lejeune

La Société anonyme du Charbonnage de la Basse-Ransy est constituée le 29 juin 1906, détenue par les héritiers Braconier et la société du charbonnage du Horloz.

La mise en route de la nouvelle société s’avère longue et difficile. Non seulement le peu d’étendue de sa concession voue Basse-Ransy à une vie étriquée, mais en plus elle joue de malchance. En raison de l’ampleur des travaux préparatoires qui s’impose pour atteindre une exploitation normale dans un charbonnage, ce n’est qu’en 1913 qu’elle obtient des résultats lui permettant de se constituer une réserve et de distribuer des dividendes et des tantièmes. Et l’année suivante, la guerre commence.

En fait, la vie de la société n’est réellement rentable que pendant huit années de 1920 à 1927.

Une vue intéressante de 1927 montre les installations de triage et de lavoir du charbonnage de Basse-Ransy en activité. On reconnait à droite le bâtiment principal, transformé en habitations, encore visible de nos jours en face du terril. Les autres bâtiments ont disparu. La photo représente cependant la façade opposée à celle visible depuis la ligne 38, vue depuis l’actuelle rue des Haïsses (on reconnait des escaliers sur le mur de soutènement, toujours existant, de la ruelle), qui a depuis été modifiée.

Le 5 septembre 1930, la société est rachetée par la S.A. des Charbonnages de Wérister puis liquidée en 1931, comme beaucoup d’autres charbonnages de la région à cette époque.

Un puits d’aérage est toujours visible à flanc de terril. Il marque l’année de fermeture du puits (1938) et sa profondeur (295 mètres).

Le terril intégré dans le projet Interreg « Pays des Terrils »

Le terril de Basse-Ransy Nord est intégré dans le projet « Pays des Terrils » subventionné par l’Europe via les fonds Feder/Interreg.

En plus des panneaux didactiques, une table d’orientation a été placée au sommet du terril.

Sa localisation jouxtant l’ancienne voie ferrée reconvertie en RAVeL (ligne 38) ainsi que l’existence du tronçon du GR 412 passant au pied du terril donnent à ce site un intérêt stratégique touristique.

En plus d’être un témoin intéressant du passé industriel de la région, et d’avoir une localisation privilégiée, il est un refuge exceptionnel pour la biodiversité.

Une flore et une faune remarquable

A l’abandon suite à la fermeture du charbonnage en 1932, le site a depuis lors été colonisé par une flore variée avec au moins 110 espèces végétales différentes, ce qui est très élevé pour un site aussi restreint. Parmi les espèces remarquables, on y trouve notamment plusieurs couleurs : le jaune avec le réséda, le bleu avec la vipérine ou encore le blanc avec le tabouret calaminaire (Thlaspi caerulescens subsp. calaminare). Ce dernier est une espèce métallophyte, qui a donc besoin de métaux pour pousser. Il s’épanouit sur ce terril sur lequel les métaux se sont déposés à partir des fumées de la Vieille Montagne (usine d’Angleur) dans le courant du 19e siècle et au début du 20e siècle.

De gauche à droite et de bas en haut : le tabouret calaminaire (photo de Jean-Marc Michalowski, extraite du site internet « Narura’liste »), Réséda jaune (photo extraite du site internet Wikipédia), Vipérine commune (photo extraite du site internet Wikipédia).

Plusieurs espèces remarquables menacées ont élu domicile sur le terril : le grillon des champs (Gryllus campestris), l’orvet (Anguis fragilis), le lézard des murailles (Podarcis muralis), trois espèces de coccinelles rares, l’argus vert (appelée aussi thécla de la ronce (Callophrys rubi)) ou encore le criquet à ailes bleues (Oedipoda caerulescens).

De gauche à droite et de bas en haut : le criquet à ailes bleues (photo extraite du site internet Wikipédia), le grillon des champs (photo extraite du site internet « Quel est cet animal ? »), le lézard des murailles (photo extraite du site internet de Natagora), l’argus vert (photo extraite du site internet Wikipédia).

Malgré sa taille restreinte, le terril de Basse-Ransy Nord constitue donc un des sites les plus intéressants d’un point de vue floristique et faunique. De nombreuses espèces non observées ou franchement rares sur d’autres terrils, sont notées à Basse-Ransy. Cela s’explique par les raisons suivantes :

1. La position géographique du site à proximité des cours d’eau qui constituent un couloir migratoire et de dispersion important pour la faune et la flore ;

2. Le relief qui permet à une très grande diversité de végétation de s’installer (pelouses thermophiles, fourrés, lisières, boisements, etc.).

Le relief artificiel du terril de Basse-Ransy Nord vu depuis Aux Piedroux.

Quel avenir pour ce site ?

La pérennité de cette diversité biologique remarquable est loin d’être assurée. Une vigilance est importante pour maîtriser les espèces invasives (renouée du Japon, coccinelle asiatique) et éviter les nuisances (piétinement, dépôts d’immondices, feux, …).

La construction d’un lotissement à proximité de ce site, notamment sur les terrains d’Haïsses-Piedroux et sa réserve foncière, lui serait également défavorable.

Gageons que la protection du site du Ry-Ponet contribue à préserver ce témoin historique et naturel de grand intérêt.


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Pour aller plus loin

FIGAS Marjan, Charbonnages autrefois. Plateau de Herve et Basse Meuse. Noir Dessin Production, 2016.

GAIER Claude, Huit siècles de houillerie liégeoise, histoire des hommes et du charbon à Liège, Liège, Éditions du Perron, 1988.

FUNKEN Didier et LEJEUNE Georgy, La Ligne 38, 2006.

WARZEE Claude, Les houillères du Horloz, Histoire de la commune de Saint-Nicolas.

Descriptif du Site de Grand Intérêt Biologique N°2450, sur le site « La biodiversité en Wallonie » de la Région wallonne.

Du charbonnage à l’entreprise Magotteaux, un article du site internet de la commune de Chaudfontaine.

Joseph-Frédéric Braconier, par Wikipédia.

Société anonyme des Charbonnages de Wérister, d’après Wikiwand.

Le grillon champêtre, sur le site internet « Quel est cet animal ? ».

Le criquet à ailes bleues, d’après Wikipédia.

Le lézard des murailles, sur le site internet de Natagora.

Thècle de la ronce ou Argus vert, d’après Wikipédia.

Réséda jaune, d’après Wikipédia.

Vipérine commune, d’après Wikipédia.

Le tabouret calaminaire, d’après « Natrua’Liste ».