Rue Sainte-Anne (Beyne-Heusay)

Ligne de crête et colonne vertébrale du parc paysager du Ry-Ponet

1. Localisation

La rue Sainte-Anne s’étire depuis la rue de la Station (sur la commune de Beyne Heusay) au lieu-dit “Aux Piedroux” (sur le territoire de Liège).
En partant de la rue de la Station à Beyne Heusay, et après avoir franchi le RAVeL, sur les 120 premiers mètres, seuls les terrains au sud de la voirie sont destinés à l’habitat selon le plan de secteur et sont pratiquement déjà entièrement bâtis. 
Au delà, sur une longueur d’environ 600 mètres, les terrains sont bâtissables de part et d’autre de la rue sur une profondeur d’environ 60 mètres.
Cet ensemble représente une superficie totale de près de 7 hectares (70.000 m²).

Moitié Est de la rue Sainte-Anne, en orange, les zones constructibles au Plan de Secteur – Cliquez pour agrandir

2. Quelques qualités

2.1 Un atout en termes de mobilité douce

En termes de mobilité douce, la rue Sainte-Anne constitue une véritable dorsale dans le Parc du Ry-Ponet. De nombreuses balades fléchées empruntent la rue Sainte-Anne dont la liaison du GR412 et Liège Orbitale mais cette rue est la seule qui permette à tous les Beynois d’accéder au Parc et à l’important réseau de mobilité douce qu’il représente. Rue Sainte-Anne, vous croiserez de nombreux piétons, cavaliers, cyclistes, joggeurs…

La rue Sainte-Anne, un atout pour la mobilité douce
La rue Sainte-Anne est largement utilisée par les marcheurs, coureurs ou cyclistes. Pour preuve ces traces d’activités cyclistes et de running issues de Strava Heatmap

2.2 Vue imprenable et… lieu vu de partout

Ces usagers de la rue Sainte-Anne bénéficient d’une vue incroyable sur tous les environs. Le regard embrasse à la fois les vallées de la Meuse, de l’Ourthe et de la Vesdre. De nombreux points de repères permettent de nous situer. Les paysages sont absolument magnifiques.

Dans son étude réalisée en 2004 à la demande de la Région Wallonne [1], l’asbl ADESA a d’ailleurs identifié la rue Sainte-Anne comme étant une Ligne de Vue remarquable [2]. Ceci se justifie sans doute par le fait qu’elle se trouve sur une ligne de crête (un espace culminant) sur le site du Ry-Ponet, et qu’elle se trouve en son centre.

Vue 2018 et photo de l’étude ADESA 2004 avec analyse des points de repères visibles, extrait de l’étude « Un parc paysager au Ry‐Ponet : une opportunité pour la métropole liégeoise – ULiège »

Puisque, depuis la rue Sainte-Anne, il est possible d’observer de nombreux endroits du paysage, il est évident que la rue Sainte-Anne est vue depuis tous ces endroits, donc depuis presque toute l’agglomération. Faites l’exercice. Repérez la forme des tilleuls de la chapelle Sainte-Anne et de la maison située au centre de la rue Sainte-Anne et amusez-vous à repérer tous les endroits d’où vous vous les voyez ! Vous serez étonnés.

2.3 Haie remarquable

Le long de la rue Neufcour et de la rue Sainte-Anne, on trouve une très belle haie mélangée de houx, de charme, d’érable champêtre et d’aubépine. Elle est protégée depuis 2013 à la fois en tant que haie remarquable et en tant que Site AHREM (Site d’Arbre et Haie Remarquable).

« Arbres et haies remarquables ». En trait vert la haie remarquable, en bleu turquoise le site AHREM. Source: https://geoportail.wallonie.be/walonmap

L’esthétique de cette haie contribue au caractère champêtre de l’endroit, mais ce n’est pas sa seule qualité. Elle est un excellent refuge pour la biodiversité. Arrêtez-vous un instant et observez la faune qui s’y réfugie et la flore qui se développe à ses pieds.

3. Affectation au Plan de secteur

Au Plan de Secteur, adopté en 1987, cet ensemble de terrains a été placé en zone « constructible », plus précisément en zone d’habitat. Il serait donc principalement destiné à la résidence.

Avouez que cette forme est tout de même bizarre !

4. Une première position de la commune de Beyne-Heusay

Comme expliqué en détail dans notre article « Le Plan de Secteur est une chose mais obtenir un permis en est une autre », une couleur rouge apposée sur une parcelle la désigne comme “zone d’habitat”. Mais cette notion recouvre deux réalités différentes : soit la parcelle est déjà bâtie, soit elle est constructible à l’avenir. Mais “constructible” ne signifie pas automatiquement qu’elle sera construite un jour.

Le 04/12/2017, la commune de Beyne-Heusay a adopté à l’unanimité une motion réaffirmant sa volonté de préserver des zones de paysage naturel.

Cette motion indique notamment que « l’ensemble du territoire beynois mérite une prise en compte des paysages naturels y compris pour les zones réservées à l’urbanisation […] » et que « le Collège communal beynois est attentif dans la délivrance des permis d’urbanisme à la gestion parcimonieuse du sol en préservant des espaces non bâtis au sein des espaces bâtis et en développant une gestion active du paysage, sans que pour autant une modification du plan de secteur ne soit sollicitée ».

La motion indique que la rue Sainte-Anne est une des zones à préserver.

5. Projet en cours

5.1 Histoire de propriétés

Jusqu’en 2000, une partie significative du site du Ry-Ponet appartenait à la Compagnie financière de Neufcour S.A. [3] et à sa filiale la société Bouille S.A. Ces sociétés sont des émanations de la S.A. des Charbonnages de Wérister [4].

Ces sociétés possédaient notamment le Château de Neufcour, le site Haïsses-Piedroux, la Ferme du Père Lejeune, le site du Chat Pirard, la Ferme Sainte-Anne et les parcelles de la rue Sainte-Anne dont traite cet article.

Les terrains de la rue Sainte-Anne ont été cédés le 6 juin 2000 à la société anversoise La Planète Verte nv, en même temps que les terrains de Chat Pirard et de la Ferme Sainte-Anne, et bien d’autres.

Les terrains de la rue Sainte-Anne, comme ceux de Chat Pirard, étaient donnés en location pour exploitation agricole à Monsieur Léonard, l’agriculteur déjà propriétaire des terrains voisins.

Depuis l’acquisition de ces terrains, la société La Planète Verte nv aurait étudié des projets d’urbanisation pour la rue Sainte-Anne, Chat Pirard et la Ferme Sainte-Anne mais nous n’avons pas de renseignements précis à ce sujet.

5.2 L’arrivée de la société Scheen-Lecoq

Début octobre 2019, notre Plateforme a été contactée par Mathieu Scheen, gérant de la société Scheen-Lecoq qui nous a informé avoir signé un compromis d’achat avec la Planète Verte nv pour l’acquisition de ces trois sites et avoir l’intention d’y mener des projets.

A la demande du Bourgmestre de Beyne-Heusay qui souhaitait que son Conseil communal reçoive une information complète sur ces projets, la société Scheen-Lecoq les a présentés en séance du Conseil du 17 février 2020.

5.3 L’esquisse de la rue Sainte-Anne présentée en février 2020

Lors de sa présentation, Mathieu Scheen a expliqué son projet pour la rue Sainte-Anne (zone B de son projet) impliquant la construction de 130 logements agencés de la manière présentée sur le schéma de principe ci-dessous. Attention, plissez les yeux pour le regarder car la rue est représentée en gris et les bâtiments en blanc.

Schéma d’aménagement de principe, intentions et images de référence, présentées lors de la réunion de présentation au conseil communal du 17/02/2020. Images propriété de la société Scheen-Lecoq, qui nous ont été remises avant la présentation au conseil communal.

5.4 Notre avis sur les trois esquisses

Dans notre article d’actualité du 2 avril 2020, nous avons exprimé l’avis de la Plateforme au sujet des trois projets de la société immobilière.

Sans entrer dans les détails, nous avons indiqué que « le projet de la société immobilière Scheen-Lecoq aura un impact très important sur son environnement et est antagoniste avec un projet de protection et de mise en valeur du site paysager par la création d’un « parc métropolitain » (autrement dit, un « parc naturel et rural en milieu urbain ») dans le respect des habitants et des usagers déjà présents. »

5.5 Une demande de moratoire par le Bourgmestre de Beyne-Heusay

Monsieur Didier Henrottin, Bourgmestre de Beyne-Heusay, a expliqué publiquement avoir fait part à Mathieu Scheen des démarches de Liège Métropole visant à commander un masterplan sur le site du Ry-Ponet et lui avoir demandé de respecter un moratoire et de ne pas déposer de demande de permis tant que les résultats de l’étude ne sont pas connus.

5.6 Une attente… et une demande de permis pour la Ferme Sainte-Anne

De longs mois se sont écoulés après la présentation de l’avant-projet au Conseil communal. Pendant ceux-ci, malgré le moratoire expliqué précédemment, la société Scheen-Project (autre société dont Mathieu Scheen est le gérant) a déposé en janvier 2021 une demande de permis unique pour la Ferme Sainte-Anne, respectant le phasage annoncé lors de la séance de présentation : d’abord le permis pour la Ferme, puis le permis pour les deux lotissements, puis la commercialisation des parcelles du lotissement de la rue Sainte-Anne puis la réalisation du projet de la Ferme et enfin la commercialisation des parcelles du lotissement de Chat Pirard.

Phasage présenté lors de la réunion de présentation au conseil communal du 17/02/2020. Images propriété de la société Scheen-Lecoq, qui nous ont été remises avant la présentation au conseil communal

5.7. Changement de nom : la société Scheen-Lecoq devient Ingeo G en juillet 2021

La société Scheen-Lecoq sprl change de nom et devient la société Ingeo G srl, dont le gérant reste Mathieu Scheen.

5.8 La présentation de l’avant-projet de lotissement lors d’une réunion d’information du public le 17 mars 2022

Le 16 décembre 2021, un article de presse indique que “le moratoire est rompu”. Une annonce invite le public à participer le 17 janvier 2022 à une réunion d’information relative à un projet d’urbanisation des terrains de la société la Planète Verte pour laquelle ce propriétaire a mandaté la société INGEO G srl, gérée par Mathieu Scheen.

Avis officiel paru dans “Vlan” en décembre 2021.

À cause d’un problème de procédure (la réunion ne pouvait pas se tenir exclusivement en distanciel), la réunion d’information a été reportée de deux mois. Elle s’est donc finalement déroulée le 17 mars 2022.

Lors de la présentation, Mathieu Scheen a présenté le projet portant le nom “Les Jardins De Beyne”, tel que visible sur le site web du même nom.

Le projet n’a guère évolué depuis l’esquisse présentée en février 2020 au Conseil communal de Beyne-Heusay. On en a juste appris un peu plus sur le nombre de logements projeté : 150 logements (110 logements de type maisons unifamiliales et 40 appartements), le tout disposé en ruban le long de la rue Sainte-Anne.

Extrait du site internet “Les Jardins de Beyne” (https://lesjardinsdebeyne.be/). Capture effectuée le 09/05/2022.

5.9 Notre avis sur cet avant-projet

Dans notre article d’actualité du 23 mars 2022, nous avons exprimé l’avis de la Plateforme au sujet du projet des deux lotissements de la société immobilière.

Ceux-ci sont selon nous totalement inadaptés aux endroits où ils sont prévus. Ils auraient des effets néfastes sur la mobilité, la biodiversité, le maintien des espaces verts et des terres agricoles, la mobilité, le bien-être et la sécurité, la gestion des eaux, le paysage.

Nos arguments ont été notamment expliqués dans la lettre type qui a été mise à disposition lors de l’enquête publique qui a suivi la réunion d’information.

Campagne de la Plateforme Ry-Ponet pendant l’enquête publique préalable à l’étude d’incidences.

5.10 L’enquête publique préalable à l’étude d’incidences

En effet, dans la foulée de la réunion d’information du public se lançait une enquête publique de 15 jours lors desquels toutes les personnes le souhaitant pouvaient émettre observations, critiques et suggestions.

Environ 1700 réclamations ont été adressées au demandeur, à la commune de Beyne-Heusay ainsi qu’au bureau SEN5. Ce bureau d’études a été choisi par la société Ingeo G. Il est chargé de répondre à tous ces avis dans le cadre d’une analyse plus vaste du projet, baptisée du doux nom d’« étude d’incidences sur l’environnement » (qui dure habituellement plusieurs mois).

Les conclusions et recommandations de celle-ci devront ensuite être intégrées par les promoteurs dans le cadre de leur projet final, celui qui fera l’objet de la demande de permis qui fera à nouveau l’objet d’une enquête publique.

5.11 Développement du projet… avec participation citoyenne

Pour être qualifié d’écoquartier, il est nécessaire de répondre à un certain nombre de critères déterminés selon le référentiel « quartiers durables ». La participation citoyenne étant un des critères importants, organiser une consultation citoyenne permet de gagner des points. Ingeo G a donc décidé de mettre en place un « comité de suivi » . Ainsi, SEN5 a organisé une rencontre le 26 avril 2022 en soirée à l’hôtel Van Der Valk, voisin du Palais des Congrès. Les participants à la réunion d’information du public du 17 mars 2022 ont reçu une invitation à y participer. Il leur était toutefois rappelé que « l’objectif du comité de suivi est de construire ensemble le projet de quartier durable. L’opposition de principe ne sert à rien dans un tel comité » .

Sur la page Facebook « Les Jardins de Beyne », nous avons appris que 8 personnes étaient présentes à cette réunion du comité de suivi du projet.

Extrait de la page Facebook “Les Jardins de Beyne”, publication du 9 mai 2022.

5.12 Changement de propriétaire… ou pas

En juillet 2022, la Planète Verte a vendu ses terrains à bâtir ainsi que la Ferme Sainte-Anne à la société Ingeo G. La Ferme Sainte-Anne a été immédiatement revendue par Ingeo G. à un agriculteur local. Les terrains à bâtir (dont ceux de la rue Sainte-Anne) sont maintenant la propriété d’Ingeo G.

… du moins, c’était ce que nous pensions jusqu’à l’été 2023.

5.13 Une demande de permis d’urbanisation, déclarée irrecevable

A la suite de l’enquête publique, l’étude d’incidences a été adaptée et le projet a été finalisé en tenant compte, normalement, des recommandations émises dans l’études d’incidences.

Début avril 2023, une demande de permis d’urbanisation a été déposée à la commune de Beyne-Heusay, en même temps qu’une autre demande pour le projet de Chat Pirard.

Celle-ci avait alors quelques jours pour vérifier si la demande était “complète”, c’est-à-dire si elle comprenait tous les documents et renseignements nécessaires. Fin avril 2023, la demande a été déclarée incomplète et, comme l’impose la procédure, la commune a adressé au demandeur un relevé des “pièces manquantes”.

Ces pièces manquantes ont été déposées par le demandeur en juillet 2023.

Après un second examen, la demande a été à nouveau jugé incomplète.

Comme l’indique le Code du Développement territorial, “toute demande qualifiée d’incomplète à deux reprises est déclarée irrecevable”. La demande de permis d’urbanisation a donc été déclarée irrecevable en date du 14 juillet 2023.

Cliquez sur l’image pour lire le document en entier.

Parmi les motifs qui ont conduit à cette irrecevabilité, on retiendra principalement que le demandeur ne dispose pas de droit réel sur les parcelles concernées par le projet. Seul un document d’option d’achat a pu être fourni par le demandeur, ce qui ne correspond pas à un droit réel.

5.14 Un recours au Conseil d’État introduit par le demandeur

En réponse à la déclaration d’irrecevabilité du 14 juillet 2023, le demandeur a introduit un recours en annulation au Conseil d’Etat à l’encontre de cette décision. Cette procédure est en cours et devrait prendre plusieurs mois voire années avant d’aboutir.

5.15 Et maintenant ?

Le promoteur pourrait tout à fait décider de ne pas attendre la décision du Conseil d’Etat pour déposer une nouvelle fois sa demande, tout en en modifiant certains points.

Si la nouvelle demande de permis d’urbanisation était déposée et, cette fois, déclarée complète, celle-ci impliquerait immanquablement un volet concernant la modification de voirie en vue d’adapter la rue Sainte Anne.  L’ensemble du dossier ferait l’objet d’une nouvelle enquête publique.  Dans un premier temps, le Conseil communal devrait se positionner sur les modifications de voiries.  S’il les refusait, la demande de permis serait automatiquement rejetée.  S’il les approuvait, le processus d’examen de la demande de permis d’urbanisation continuerait.  Toutes les pièces du dossier et les avis exprimés lors de l’enquête publique seraient examinés sur le volet urbanistique par l’administration communale avant que les autorités communales ne décident d’accorder ou de refuser le permis.

Affaire à suivre donc…



[1] En 1995, la Région Wallonne avait comme objectif la révision des Plans de Secteur et, dans ce cadre, la détermination des Périmètres d’Intérêt Paysager, des Points de vue et Lignes de vue remarquables à y inscrire, et ce parce que les Périmètres inscrits lors de l’élaboration des Plans de Secteur ne l’avaient pas toujours été selon des critères pertinents. La Région Wallonne a alors confié une étude à l’asbl ADESA. Les modifications n’ont malheureusement jamais eu lieu mais l’étude ADESA est régulièrement consultée et a une valeur indicative.

[2] Les points de vue remarquables (PVR) « sont des lieux ponctuels d’où l’on jouit d’une vue particulièrement belle » tandis que les lignes de vue remarquables (LVR) « sont des lieux linéaires d’où l’on jouit d’une vue particulièrement belle ».

[3] La S.A. des Charbonnages de Wérister a été créée en 1874. En date du 29/12/1995, elle a été scindée en deux branches : d’une part la Compagnie Financière de Wérister S.A. et d’autre part la Compagnie financière de Neufcour S.A. elle-même constituée de deux filiales, la S.A. Bouille et la S.A. Werimmo-Luxembourg.

[4] « Le Groupe Neufcour est constitué de trois sociétés actives en Belgique – à savoir : Neufcour, Bouille SA (détenue à 99,95% par Neufcour) et Foxhalle SRL (détenue à 99,90% par Neufcour) et d’une quatrième société sise à Luxembourg, Wérimmo Luxembourg SA (détenue à 66,64% par Neufcour).» Source : Euronext